Encore un autre jour, encore un autre shooting. À force, j'en avais l'habitude, de travailler avec des gens moins compétents que moi, mais je me dis que ce n'est pas de leur faute, c'est juste moi qui suis exceptionnel. Bref, tout dépendait de moi, et mon talent est si grand que je pouvais transformer les ordures ménagères en diamants. Je pense que c'est pour ça qu'on fait appel à moi. N'importe qui faisant appel à mes services est garanti d'avoir du succès. C'est comme ça quand on est aussi bon, on peut choisir ses collègues, et pour moi, hors de question de travailler avec des gens qui ne savent pas être présentables ou n'y connaissent rien à la mode. Je travaillais avec une grande marque, et qui dit grande marque, dit grands invités, donc grand événement. Je me devais d'être irréprochable, de la tête aux pieds.

Mon matériel était installé, prêt à recevoir les personnes. Oui, visiblement, vu mon physique, j'allais avoir deux casquettes. Celui qui prend les photos et celui qui prend la pose, ce qui ne faisait que rajouter du prestige à ma personne. Avant, je ne faisais que les photos, mais quand on est la perfection incarnée, on l'est partout. J'attendais donc la venue de mes collègues au dixième étage du bâtiment, la maquilleuse était déjà passée et mon coiffeur personnel m'avait déjà arrangé les cheveux. Gepetto est bien le seul qui a l'autorisation de toucher à ma crinière, et encore, il a mis des années avant de l'avoir. Quand je vis arriver l'autre mannequin, je compris que la tâche allait être ardue. Sérieusement, Sybielle? J'ai encore l'image d'elle avec son maillot de bain des années 50 en tête. Au moins, elle avait un peu plus de classe, mais elle peut mieux faire. Tant qu'on ne m'égale pas, on peut toujours mieux faire.

Elle saluait alors tout le monde, disant qu'elle hâte de travailler avec chacun d'entre nous. Quelle hypocrite. Elle avait surtout envie de toucher son chèque et de gagner un peu de gloire, comme chacun d'entre nous. La pauvre, si elle voulait vraiment briller, il ne fallait pas être avec moi, car je vais lui prendre tout les honneurs. En même temps, quand on sera affichés partout dans le monde, sur qui l'attention va se porter : L'homme digne d'être des Dieux du Stade et dont le corps est si chaud que même sur le calendrier des pompiers, l'image prendrait feu, ou une femme qui se pensait belle parce qu'elle était célèbre. La beauté, ce n'est pas qu'un physique avantageux et un joli sourire, c'est une personnalité, un art de vivre, ça se cultive, ça s'entretient. Mais soit, je décidais donc de venir la voir, m'exprimant à voix haute et avec un grand sourire.

-Et c'est réciproque ma chère Sybielle! Je sens qu'on va bien s'amuser tous ensemble pour ce shooting. Allez, c'est parti mes loulous, on va montrer au monde de la mode toute la beauté qu'il y a dans cette pièce.

Je me préparais alors à me diriger vers le lieu du shooting, quand je sens que je n'avais pas tout dit. Je me retourne alors à une vitesse parfaite, ne me décoiffant pas, afin de m'adresser à Sybielle.

-Au fait Sybielle, ne forces pas trop ton sourire, ça trahit tes pensées. Je sais bien que t'es contente de me voir, mais les autographes, c'est après le travail. Au moins, tu as travaillé ta démarche, on peut reconnaître ça.

Je continue alors mon chemin, usant de mon pouvoir pour faire un léger courant d'air, juste pour ajouter de l'impact et du drama à mes propos. En plus de travailler dans le monde de la mode, je devrais aussi mettre un pied au cinéma, franchement. Si ça ce n'était pas une scène d'anthologie dans un blockbuster, je ne sais pas ce que c'est.

Son commentaire était drôle, sans aucune pertinence, mais drôle. Moi, aussi peu loquace? Si c'était du sarcasme, ça volait pas haut, et si elle voulait me jeter une vérité à la figure, c'était tout aussi peu crédible. En revanche, j'avais de la pitié pour son épaule, elle a dû avoir mal en me rentrant dedans de la sorte. À moins que ça soit fait pour m'intimider. Ça a eu pour effet de me faire sourire, avant de continuer ma route.

Je me préparais avec mon coiffeur attitré qui savait quoi faire pour me mettre autant en valeur que je l'aurais fait. C'est rare que j'accorde autant de crédit à quelqu'un donc rendons à César ce qui est à César. La coiffeuse de Sybielle, elle, était partie en pleurant et derrière ces excuses, je me contentais de rire et de m'exprimer, m'important peu qu'elle m'ait entendu ou non.

-C'est juste qu'elle a compris que la tâche était trop difficile. Coiffé ou non, un rat reste un rat. Seuls les miracles peuvent transformer les rats en colombes.

Manque de chance, je suis le messie, le faiseur de miracles. Enfin, manque de chance, ça dépend pour qui. Pour moi, c'était une véritable aubaine de l'entendre reconnaître qu'elle avait besoin de moi. Pour elle, ça sera un enfer, mais ce n'est pas grave. Pour le thème du shooting, j'avais une crinière sauvage, indomptable, on pouvait presque entendre le tigre rugir à travers moi et mes yeux de prédateur. L'autre diva se faisait désirer et pour compléter les dires du réalisateur, j'ajoutais d'un sourire en coin.

-Encore un peu, et j'aurais été le seul sur le shooting. On était à deux doigts de la perfection.

Ne fait pas croire qu'on a besoin de toi, en dehors de moi, tout le monde peut être remplacé. Des cruches comme elle, je tape dans une poubelle et j'en trouve au moins dix. J'écoutais les consignes et je me mis dans la peau du tigre qui allait bondir sur sa proie. Dans ma tenue sauvage, qui mettait en place un "Tarzan" des temps modernes, à la fois sauvage et élégant, je pris une pose de tigre en train de bondir, me tenant droit en étant imposant. Bien entendu, mes cheveux étaient bien éparpillés aussi grâce à mon pouvoir, afin de rajouter du volume et de la prestance à ma pose. Je murmurais alors à Sybielle, lançant les hostilités.

-Pas trop intimidée? C'est ta meilleure chance de frôler la perfection en étant en face de moi.

L'énerver était si simple, ça en était presque risible. Elle me sous-estimait grandement, car avec moi, le shooting aurait été fait rapidement et serait d'une qualité inégalable. Après tout, c'est dans les caractéristiques de mon métier, en plus d'être un modèle parfait en tout point. Son égo a encore dû en prendre un coup, en même temps, il est si facile à atteindre, c'était navrant. Ma pauvre, le monde ne tourne pas autour de toi, à la limite, tu n'es qu'une planète qui tourne autour de l'astre que je suis. Après la première photo, elle se permet de me répondre, en me comparant à un chaton. On me dit souvent que je suis mignon, mais venant d'elle, je suis sûr que c'est pour souligner autre chose. Nullement intrigué par ses propos, je me contente de lui répondre avec un sourire moqueur.

Fait donc mieux, petite souris.

Le shooting reprend et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle m'avait pris par surprise, me prenant par la cravate pour me poser contre le fond blanc. C'est une bonne chose que je sache me contrôler, sinon, j'aurais pu tout renverser. Elle posa ensuite sa main sur ma bouche, comme pour m'empêcher de respirer. Pas de chance pour elle, j'avais un nez, je pouvais quand même respirer. Elle voulait s'aventurer dans ce côté sauvage, elle ne savait vraiment pas à qui elle avait à faire. J'ai des siècles d'expérience, qu'est ce qui lui fait croire qu'elle pouvait imaginer avoir le dessus sur moi. Après la photo prise, je la laissais fanfaronner, avant de lui répondre, toujours moqueur.

-C'est ça, ton côté sauvage? Je t'en pris, si tu veux l'être, vas-y à fond.

La séance reprit, et cette fois-ci, ce fut mon tour. La plaquant à mon tour contre le fond blanc, je pris ses deux mains qui étaient sous mon contrôle. Elle était entièrement contre le fond et j'en profitais pour légèrement déposer ma bouche sur son cou, y laissant une très légère marque de dent. Quand même, je ne voulais pas ruiner la marchandise, on allait me le reprocher. Si c'était ce genre de sauvagerie qu'elle voulait, je savais comment m'y prendre. Les photographes étaient intrigués, mais demandaient de garder la pose pendant les photos, jusqu'à ce qu'on nous dise de nous libérer. Je me reculais alors, enroulant son bassin de mon bras et la rapprochant contre moi, restant quand même dans la provocation.

-T'as de la chance, j'ai du respect pour le créateur des vêtements. Sinon, j'aurais déjà tout déchiré, juste pour être sérieux. Comme je te l'ai dit : Si tu veux être sérieuse dans ce côté sauvage, il faut aller jusqu'au bout. Amatrice.

Je la relâchais, alors que je retournais dans ma loge pour boire un coup. Il fallait l'avouer, Sybielle avait réveillé une certaine fougue en moi, mais il fallait rester professionnel, et ce ne sont pas quelques provocations qui allaient me stopper.

Les provocations étaient lancées et je doute que la jeune demoiselle, aussi revancharde soit-elle, puisse surenchérir après ça. C'était une amatrice, si elle allait plus loin, elle risque d'être partagée entre tellement de sentiments qu'elle ne pourra même plus se concentrer sur le shooting. Bon, au moins, elle savait rester professionnelle en posant devant la caméra, sinon, on l'aurait certainement virée et sa réputation en aurait pris un coup. Suite à mon avertissement, je retournais dans ma loge afin de me reposer un peu, enfin, juste boire un coup, vérifier la perfection que je suis et ressortir. J'ai plus de 200 ans, alors ce n'est pas une simple humaine qui va me dresser. Néanmoins, je devais avouer que ce petit jeu me plaisait, curieux de voir jsuqu'où je pouvais aller avant de la faire craquer, mais aussi de voir ce qu'elle était capable de faire aussi.

C'est en m'étirant et en souriant que je sortais de ma pièce, surveillant mon entrée qui était à mon image. Je regardais brièvement les photos et je les trouvais ok. Finalement, Sybielle ne gâchait pas tant ma beauté que ça. Apparemment, les personnes en charge raffolent des clichés où l'on s'affronte. Tant mieux, si c'est ce qu'ils veulent, c'est ce qu'on fera, tant que c'est à ma façon et que ça me convienne. On reprit alors la séance et la jeune femme semblait avoir une idée en tête, à la vue de son sourire en coin. Je lui répondis alors avec ce même sourire, bien décidé à ne pas céder.

-Fait de ton mieux mon poussin.

Elle commençait alors à me déshabiller, enlevant mon haut. J'arquais mon sourcil, me demandant ce qu'elle avait prévu. Elle vint ensuite agripper ma chemise, faisant genre qu'elle l'avait arracher, tout en posant ses ongles sur ma joue. Je gardais ma pose pendant que les photos fusaient et après ça, je me mis à lui sourire, amusé par la situation. Elle n'avait pas accepté la défaite, ni été perturbée par ma pose de tout à l'heure. Elle commençait à être réellement sauvage, ça me plaisait. Désormais, c'était à mon tour et je comptais bien lui faire payer.

-C'est mieux que la dernière fois. Mais t'es pas prête pour la suite

La prochaine pose était encore plus sauvage que la précédente, me mettant derrière elle, tirant sa tenue agrippée vers le bas sur le côté, laissant apparaître une partie de son ventre, alors que mon autre bras l'entourait, ma main sur le haut de sa tenue. Mes mains étaient prêtes à déchirer la tenue, ils étaient légèrement tendus, mais pas de quoi les abîmer. J'aurais pu faire ça en face, mais le faire par derrière ajoutait un peu de sauvagerie. Je murmurais alors à son oreille avec un sourire.

-Essayes de me résister...


Je gardais la pose le temps que les photographes, impressionnés, prennent leurs photos avant que je puisse bouger à nouveau et la regarder en face. Cette fois-ci, je m'exprimais d'une voix sournoise, gardant un grand sourire.

-Pas trop perturbée de m'avoir aussi près de toi? Ça serait dommage que tu deviennes accro à moi.

Tant mieux, ça ne l'enchantait pas non plus, le contraire m'aurait inquiété, au moins, on savait à quoi on avait à faire. Oh crois moi, tu n'étais pas la seule répugnée ici. Je devais jouer mon rôle jusqu'au bout, tant pis si ça m'embêtait. Je gardais alors la pose jusqu'à ce que les photos soient prises, après ça, je me recule et je me dis que je pouvais tenir encore quelques temps comme ça, mais c'était encore pire qu'hier. Autant, on avait un petit jeu de provocation, autant là ... c'était juste niais à souhait et ça me gonflait déjà. Elle avait envie de vomir, et bien moi aussi. Cette vision me répugnait et je ne me privais pas pour lui signaler.

Pour une fois qu'on est d'accord. Mais j'ai plus de retenue que toi.

Je la laisse ensuite faire pour la prochaine séance et mon dieu, la voir aussi près de moi, elle voulait me tuer ou bien? Si elle voulait me torturer ainsi, et bien on allait être deux. Je glissais alors mes mains sur ses hanches, juste sous la couche de vêtements, afin qu'elle sente bien que je suis présent aussi. On va voir qui sait qui va regretter ce shooting en premier. Je sais rester professionnel, mais est-ce que Sybielle pouvait en dire autant? Le temps parut interminable, mais une fois les shooting de nouveau fait, je la gardais un peu contre moi, juste pour lui murmurer quelques mots.

-Combien de temps avant que tu craques?

Je me recule alors, enlevant mes mains. Je viens voir le photographe et je lui dis que j'ai besoin de me laver les mains et, par conséquent, de passer à ma loge. C'était juste une provocation pour Sybielle, mais j'allais réellement le faire, afin de voir si mes mains ne se sont pas salies en la touchant. Je vérifiai donc l'épiderme de ma main, ainsi que ma manucure et tout semblait correct. Fiou, elle n'a pas pourri mon groove, sinon, je lui aurais demandé de s'excuser. C'est au bout de quelques minutes que je reviens la voir, souriant.

-Je suis prêt pour la dernière photo. Je vous promets que ça sera la meilleure.

Nous reprîmes alors position et cette fois, j'attire l'actrice toute entière contre mon torse, allant jusqu'à poser mes lèvres sur sa chevelure. J'allais jouer le rôle du petit-ami protecteur, mais intérieurement, j'avais envie de prendre une douche et de me laver la bouche pour avoir été aussi loin dans ma taquinerie. Pouah! Si au moins, avec ça, elle ne s'énerve pas, c'est qu'elle aura apprécié, c'est sûr et certain, je ne la vois pas assez professionnelle pour endurer une telle accolade.

Elle continuait de me provoquer et ce petit jeu me plaisait. Elle pensait qu'elle arriverait à me jeter par la fenêtre, elle se trompait largement. Bref, on avait continué à prendre des photos, et je m'étais même amusé à l'énerver. Lors de la dernière séance de photo, sa phrase me fit souffler du nez, ne pouvant que très peu parler pendant que le shooting se faisait. Elle avait envie de se raser le crâne, et moi je me contente de la taquiner, en lui balançant une autre vacherie.

Tu veux baser ta carrière sur la pitié maintenant? Le coup de l'actrice cancéreuse, ça fait un peu réchauffé et mieux vaut qu'on ne découvre pas la supercherie.

J'adorais lui lancer ce genre de provocations, mais je me dis qu'elle devrait être reconnaissante, car sans moi, elle ne se remettrait pas en question et ne chercherait pas à être la meilleure version d'elle-même. Dans mon cas, si je dois remercier quelqu'un pour ce que je suis aujourd'hui, c'est très simple, je n'ai qu'à me regarder dans un miroir et lâcher mon plus beau sourire. Je partais alors dans ma loge pour saluer tout le monde, leur donnant rendez-vous demain pour le dernier shooting de la semaine. Je ne connaissais pas encore le thème de demain, mais ça me faisait un peu peur. Bref, je retournais chez moi et j'en profitais pour bien laver ma bouche et le reste de mon corps de ces souillures.

Le lendemain, je reviens sur les lieux de travail et le nouveau thème... disons qu'il allait me crisper. Les rendez-vous amoureux... quand je vois ma partenaire, je me dis que ça pourrait être pire. Je soupirais alors, voyant que Sybielle voulait me provoquer, ce qui se conclut par une autre taquinerie.

-Oh mon chou, prépares toi à recevoir mon amour, tu n'es pas prête.

Le sujet du shooting était le rendez-vous amoureux. Une glace factice dans une main, on devait faire en sorte que les gens nous pensent en couple. Je soupirais un peu, mais je me dis que c'est la dernière journée, après ça ira mieux. Pour le premier cliché, j'avais décidé de jouer le jeu à fond, lui faisant fce et lui tendant ma glace, posant mes lèvres sur la sienne et l'invitant à faire de même, le tout accompagné d'un regard passionné et un sourire chaleureux. Je lui fis un clin d'oeil bref, marmonnant quelques mots.

-Tombes pas sous le charme, "mon amour".

Les flashs se firent de nouveaux entendre et au bout de quelques instants, je me recule, reprenant ma glace et riant un peu, provocateur.

- T'arrives à tenir? Sauf si tu veux faire encore plus romantique, si tu en es capable.

Maintenant, j'avais quand même une certaine curiosité de voir ce qu'elle avait prévu comme chose romantique, et si elle pouvait l'être.

Ce petit jeu commençait à bien faire. On était sans cesse en train de se provoquer, encore et encore, sauf que cette fois, nous avons rajouter de petits surnoms affectifs et ça se sentait que ni elle, comme moi, ne pensions un traître mot de ce que l'on se disait. Vivement la fin de ce tournage, que je me lave la langue avec du savon pour lui avoir dit de telles choses. Elle veut rendre l'instant encore plus romantique? Elle avait mon feu vert, mais bonne chance à elle, elle risque fortement de craquer face à cette niaiserie qui l'attend. Par contre, Sybielle ne devrait pas prendre autant d'aise en me disant que je devrais improviser davantage, surtout qu'elle ne connaît pas à quel point je peux être impliqué dans quelque chose, mieux vaut qu'elle ne me pousse pas dans mes retranchement, elle risque fortement de le regretter. Je gardais mon sourire face à elle, un sourire presque insolent.

-Ne t'en fais pas. Je vais t'offrir un monde aux milles et une splendeurs, alors laisses parler ton cœur, princesse.

Ainsi, la blonde commence à planter le décor et rapidement, on devait se mettre à imaginer quelque chose de magnifique dans le ciel. Ce n'est pas très compliqué, tout ce que je dois faire, c'est imaginer mon magnifique visage au plafond, et le tour est joué. Oh oui Milo, tu es si beau, continues de t'imaginer au plafond, après tout, le monde t'es inférieur. J'entoure alors Sybielle de mes bras, faisant semblant d'être émerveillée, posant ma tête sur son épaule, juste pour rajouter de proximité au "couple". Les photographes prennent alors les clichés et une fois la pose finie, je me retire doucement, riant un peu.

-C'était pas trop dur pour toi? Attends de voir la suite mon cœur ... On va voir jusqu'où tu peux jouer les actrices avec moi.

Je me rafraîchis à nouveau, alors qu'on nous annonce la dernière photo, et on peut dire que c'est de loin la plus difficile : La déclaration d'amour. Un amour naissant est aussi l'un des moments où il est le plus puissant et les photographes veulent capter cet instant. Recoiffant ma crinière, je regarde la jeune femme en face de moi, lui souriant.

-Un amour naissant hein? Tu risques de t'en souvenir.

Le décor fut planté et cette fois, j'étais prêt à vouloir aller jusqu'au bout. Si elle ne craquait pas face à ce que je ferais, elle remontra dans mon estime, c'est à dire qu'elle aura un peu plus de valeur que la terre sur laquelle je foule mes pieds. On nous dit de nous mettre en position et je pose ma main délicate sur sa joue de rustre, gardant un sourire mielleux, rapprochant doucement mon visage du sien. Oui, je comptais réellement l'embrasser et donner ce que les professionnels veulent voir, un amour naissant. Ici, pas question de faire semblant, je posais directement mes lèvres contre les siennes, et j'usais de mon bras de libre pour poser ma main sur sa hanche. Je lui murmure quelques petits mots avant de passer à l'acte.

-Bonne chance...

Le contact était fait, j'attendais de voir si elle allait me propulser au loin, ou si elle allait jouer le jeu, voire même si elle allait surenchérir, comme elle le fait depuis plusieurs jours, même s'il est dur de faire mieux que ça.

Ce baiser était absolument répugnant, mais je voulais la faire craquer. Hors de question qu'elle s'en sorte à si bon compte, et il fallait bien l'avouer, ça m'amusait de la voir se retenir. Au final, qu'est-ce qu'un baiser, pour une éternelle satisfaction. Je sentais ses ongles se planter dans mon cou. Continue de rager, ça montre que j'ai raison. C'était dégoûtant, surtout quand elle s'était rapprochée pour intensifier ce baiser. Je la sentais aussi me mordre la lèvre, cette sauvage. J'espère qu'elle ne m'avait pas laissé une marque, sinon, j'allais devoir en faire de même. Est-ce que son geste allait me freiner? Pas du tout. J'en avais profité pour rendre ce baiser plus passionné, presque brutal, l'espace de quelques instants avant que les photos cessent et qu'on se recule. Je repris légèrement mon souffle, alors que je vis la productrice arriver. Je la regardais et je sentais qu'elle dégageait quelque chose d'intéressant, qu'on ne trouve que très rarement. J'écoute Sybielle s'exprimer et je ne pus m'empêcher de rire un peu.

-Je suis d'accord, c'est un shooting qui nous demande une grande implication. Vous êtes la nouvelle mannequin qui doit poser, c'est ça?

Je me suis permis de la taquiner un peu, mais il faut dire qu'elle était ... acceptable, comme être vivant. Un truc que Sybielle n'est pas, et je me dis que j'aurais eu moins de chance d'avoir de haut-le-cœur avec elle qu'avec la blonde à côté de moi. Je m'étire un peu, buvant un peau d'eau et ignorant totalement Sybielle, la productrice étant clairement plus intéressante avec qui parler.

-Vous n'êtes que productrice? Vous devriez venir avec moi, je saurais faire de vous la prochaine star de la mode. Avec moi, même les sacs poubelles seront tendances.

Suite à ces paroles, j'avais fait exprès de regarder Sybielle dans les yeux, marquant un silence voulant dire "Oui, c'est bien de toi dont je parle", avant de revenir vers la productrice.

-Du coup... le tournage continue encore demain, ou c'est fini? Mon temps est assez précieux, mais je peux faire des exceptions, pour la bonne cause.

Je fis un clin d'oeil à la productrice, ignorant totalement Sybielle et usant de mon pouvoir pour faire légèrement virevolter mes cheveux et amplifier mon charisme déjà palpable par toute personne ayant un minimum de goût.

Oh, que productrice? Quel dommage, elle avait tout d'une grande mannequin, en plus d'avoir un charme plus qu'acceptable. Sauf que Sybielle ne l'entendait pas de cette oreille. Je sentais bien que ça l'agaçait, et ça me donnait encore plus envie de continuer. Je sens ensuite son verre d'eau sur mon visage et mes vêtements, ce qui me poussa à me sécher. Heureusement, le vent que je générais m'aida à sécher plus vite, et la productrice était venue à mon secours, portant sa main sur mon dos. En temps normal, je l'aurais repoussé, mais je n'ai rien dit, ricanant un peu.

-Sûrement la jalousie, ne vous en faites pas.

Je retourne dans ma loge avant de partir une fois changé. Quand je reviens le lendemain au studio, je vois une nouvelle qui était ... atypique. Mais dans tout les mauvais sens du terme, un peu comme une pomme pourrie au milieu d'un champ de détritus. C'est tout aussi moisi, mais en plus, ça n'avait pas sa place. Le simple fait de tourner avec elle m'avait donné des envies de vomir. Je la regarde donc avec dédain, me fichant qu'elle adorait mon travail.

Écoute ma petite. Je sais que tu es débutante, mais je l'ai été aussi. Tentes au moins de t'affirmer, parce que là, j'ai l'impression de poser avec un bout de carton.

Elle manquait cruellement de personnalité, cette Delphine. C'était tellement nul que le thème du Gala a duré plusieurs jours, sans que ça soit plus concluant. Qu'est ce qui a pris à la direction de me confier de tels fléaux. Aucun goût! Je regretterai presque Sybielle. En revanche, aucune chance que je lui dise la vérité en face. Déjà que, malgré ma fierté, je lui ai envoyé des fleurs en lui souhaitant un bon rétablissement, je n'allais pas en faire davantage. Cependant, vu la prestation d'aujourd'hui, j'étais bien décidé à créer un miracle pour trouver une meilleure personne ou pour que Sybielle revienne, à défaut d'un miracle, autant prendre un truc qui ne ressemble pas à la peste ou le choléra.

C'est en fin de tournage que j'utilise le vent que je génère pour voler jusqu'à la fenêtre de son hôpital, afin de ne pas passer par l'accueil et être incognito. Elle était visiblement en train de dormir. Parfait, elle ne me verra pas changer les fleurs de son pot. En revanche, sa chambre, quel manque de goût. Je ne pouvais pas résister, je devais bouger quelques meubles pour que ça soit plus ...aesthetic. Je commence alors à faire du rangement après avoir changé ses fleurs, sans faire attention au fait qu'elle puisse potentiellement se réveiller. Si jamais elle ouvrait les yeux, elle pourra facilement deviner que c'est moi qui a changé ses fleurs.